COVID-19 et après ?

Plusieurs articles dans la presse, ces derniers jours, abordent l'après Covid-19 et prédisent un changement de paradigme.
"La prévision est difficile surtout lorsqu'elle concerne l’avenir." Pierre-Dac, humoriste. 
Personne ne peut prédire l'avenir. On l'a vu! Durant cette crise sanitaire, beaucoup "d'experts" ont donné leur avis souvent contradictoires. On peut donc supposer que nos villes ne changeront pas d'un coup de baguette magique.

La grand-place de Bruxelles pendant le confinement (25 avril 2020)

Cependant, en tant qu'urbaniste, on peut malgré tout s'interroger, se poser des questions et anticiper. 
En premier lieu, nos modifications de comportement liées à la distanciation sociale auront certainement un impact sur la mobilité et sur l'aménagement des villes. Ensuite, nos logements et nos quartiers qui sont devenus notre horizon quotidien vont certainement évoluer. Enfin, ici et là naissent des espoirs pour une prise de conscience collective afin de lutter contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité. Le virus d'origine animale devrait nous faire prendre conscience de la nécessité d'une protection accrue. Même s'il faut rester très prudent quant aux changements, on peut malgré tout les envisager et être prêt à les accompagner.

La Mobilité, 

C'est probablement le thème qui connaîtra le plus de changement effectif des comportements. Durant les six prochains mois, les transports en commun, les trajets en voiture partagée seront vu comme des modes de transport à risque. La voiture individuelle ne pourra pas répondre à tous les besoins de mobilité. Son utilisation massive risque de bloquer toute la circulation par des embouteillages gigantesques. Par ailleurs, plusieurs études ont montré que la pollution de l'air est un facteur de propagation du virus. Les pouvoirs publics doivent donc prévoir d'autres solutions de mobilité. 
Actuellement, les alternatives proposées sont la marche à pied, le vélo mais aussi le télétravail. 

La mobilité douce 

Avec le confinement, les citadins ont pris goût à une ville sans conflit avec l'automobile. Il redécouvre leur quartier. Leurs voitures sont souvent restées à l'arrêt. Pour preuve, ces annonces qui mettent en garde sur les problèmes de batterie !

Ainsi on peut espérer des modifications de comportements pour les petits trajets de moins de 2 km qui devront être facilité par des aménagements. L'urbanisme tactique met en place des "barrières" temporaires pour adapter rapidement l'espace public aux besoins des habitants.

"Or le confinement redessine brutalement ces besoins, et l’expérience des sorties en cette période révèle combien les villes ne sont pas pensées pour les habitants mais essentiellement pour les voitures. "

Les espaces piétonniers devront permettre une distanciation et donc être élargis. Le trottoir devient la salle d'attente des magasins.

Attente devant une boulangerie
Des pistes cyclables seront aménagés dans toutes les villes pour inciter les habitants à utiliser la bicyclette. 
Plusieurs villes ont déjà pris des dispositions dans ce sens :
"Ainsi, dès le 23 mars, la ville de Bogotá a déployé progressivement 22 puis 117 km de pistes cyclables temporaires, avant de redescendre à 76 km puis à 35, pour s’adapter aux besoins réels – c’est l’intérêt de cette stratégie : des infrastructures modifiables ou démontables du jour au lendemain. La capitale colombienne s’est appuyée sur son expérience en la matière, puisqu'elle déploie depuis plusieurs années déjà des pistes temporaires chaque dimanche." Un autre exemple, la ville de Milan qui a converti 35 kilomètres de rue en zone piétonne et cyclable. 

Le télétravail

Au début du confinement, plusieurs pays ont imposé le télétravail à toutes les entreprises qui pouvaient le permettre. Avec le déconfinement et pour éviter une surdensification des espaces publics et surtout des transports en commun, le télétravail va continuer pour presqu'un tiers des salariés.
Le télétravail a plusieurs atouts qui plaident pour une nouvelle approche et son adoption définitive : Moins de stress et moins de temps dans les transports pour l'employé, pas d'espaces de travail à prévoir pour l'employeur et surtout moins de besoin en mobilité qui se répercuteront favorablement sur la pollution de l'air de la ville. Cette nouvelle organisation peut prendre plusieurs aspects avec des journées en télétravail  et d'autres en réunion chez les clients ou en entreprise. L'aspect social et l'isolement peuvent aussi être résolu par les espaces de coworking au niveau du quartier.

La Vie de quartier : 

Pendant ce confinement, de nouvelles solidarités sont apparues au niveau du quartier. Les plus jeunes ont proposés leurs services aux plus âgés. L'activité sportive a été encouragée sous forme de promenade quotidienne. Les quartiers les mieux aménagés  ont permis à leurs habitants une meilleure résilience.  
Il faut donc insister sur la nécessité d'un centre dynamique de commerces du quotidien, sur le rôle des espaces verts de quartier, sur la qualité des aménagements des espaces publics. Les potagers urbains de quartier ont connu un nouvel intérêt. C'est une occasion de sortie de plein air et de contact social qui permet le respect des distances. 
Les principes de l'espace de coexistence multifonctionnel seront probablement expérimentés dans plusieurs villes.
"Abaisser temporairement la limitation de vitesse à 30 km/h en ville, voire à 20 km/h dans les lieux qui concentrent le plus de piétons et cyclistes, permettrait assurément une meilleure cohabitation et un meilleur respect de la distanciation. C’est d’ailleurs ce que vient d’annoncer la ville de Bruxelles : la vitesse sera limitée à 20 km/h dans le centre-ville élargi (dit Pentagone, d’une superficie de 4 km² environ). Ce quartier deviendra une « zone de rencontre », les piétons pourront ainsi descendre sur la chaussée et seront partout prioritaires sur les véhicules."

Centre de Bruxelles : priorité aux piétons

Le logement :  

Les inégalités sociales ont été mises en exergue par les modes inégalitaires d'habiter. "Le confinement n’est effectivement pas subi de la même façon, que l’on habite dans une maison individuelle, dans un lotissement, en habitat de « type intermédiaire », ou en immeuble collectif… " Il faut repenser l'organisation des logements en y insérant un espace extérieur : terrasse, patio ou petit jardin. Le confort est également important. Des qualités comme la luminosité, l'inertie thermique, l'isolation et l'orientation seront sûrement plus recherchées. Les espaces doivent être également redéfinis et plus souples afin de répondre aux besoins du télétravail et à l'évolution de la famille. Le confinement est un retour à la cellule familiale qui a certainement mis en évidence des difficultés au quotidien qui devront trouver des solutions.  

L'approvisionnement alimentaire en circuits courts : 

Les citadins ont retrouvé le goût des produits frais de qualité et surtout le temps de les cuisiner. L'organisation s'est rapidement mis en place pour livrer directement aux consommateurs les produits frais cultivés dans chaque région. Le numérique a joué un rôle important dans la résilience du secteur. Ces nouvelles habitudes de consommation vont certainement perdurer après cette crise. Ce sont des phénomènes qui vont encourager l'agriculture urbaine et périurbaine, avec des pratiques maraîchères de permaculture. 

La Biodiversité : 

"La destruction des milieux naturels, à commencer par la déforestation, a le double effet de renforcer la densité humaine au contact de ces milieux et de déséquilibrer des écosystèmes qui constituent des « barrières naturelles » contre la propagation de ces virus (les zoonoses)." 
Il faut revoir l'aménagement du territoire afin de préserver les milieux naturels des interactions intrusives et donc dangereuses de l'homme. 70% de la population mondiale est urbaine. Un meilleur aménagement des villes et de ses espaces de Nature doit permettre aux humains de vivre à l'intérieur des villes et laisser ainsi "des zones sauvages" se développer et se régénérer. 
"En attendant la recomposition du monde au « jour d’après » la pandémie, porteur de nombreux appels à la résistance climatique, le constat d’échec de la préservation des écosystèmes face aux forces du marché pousse certains acteurs à se tourner vers une autre stratégie : si la cohabitation est impossible, il faudrait sanctuariser une partie de la nature, hors de toute activité humaine."

En conclusion, 

L'urbaniste a pour mission d'anticiper et d'accompagner les modifications de comportement de la société.  Le Covid-19 sera peut-être une occasion pour enclencher une stratégie plus durable de l'aménagement des villes.

Pour aller plus loin : 

A propos de la densité :

A propos de la mobilité  : 

A propos du logement : 

A propos des circuits courts d'approvisionnement alimentaire

A propos de la biodiversité

 

A propos de la pollution et de la biodiversité en ville 

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