projet urbain : participation délibérative, concertation, urbanisme collaboratif.

Cet article jette un regard sur l’évolution de la participation citoyenne pour appuyer la planification urbaine. 
Dans le domaine de l’urbanisme, les formes de participation citoyenne remontent à plus de 50 ans. Cependant, depuis les années 70, la concertation au sujet des projets d'aménagement urbain a évolué en parallèle avec les notions, de démocratie délibérative et de développement durable. En effet, plusieurs dispositifs participatifs – assemblées publiques, référendums décisionnels, conseils de quartier, budgets participatifs, audiences publiques, comités consultatifs, élaboration de contre-projets, etc. – se déploient en contexte urbain, sur des enjeux de conception ou de gestion.
Actuellement, l'objectif est de dépasser l'opposition traditionnelle entre une perspective « idéaliste » et une perspective « ultra-critique », afin d'adopter plutôt une perspective « pragmatique », celle de la "Fabrique de la ville". Ceci est d’autant plus pertinent, car les formes de la vie urbaine, l'organisation et la gestion des territoires sont des thèmes qui, dans un monde de plus en plus urbanisé, intéressent la majorité des citoyens et renvoient à des pratiques quotidiennes et familières. 



On constate aussi que les modes de participation et concertation ont évolué en parallèle avec les principes de la profession d'urbaniste, de la planification rationnelle globale à l’urbanisme durable.   

L'urbanisme et la profession d’urbaniste s’inscrivent dans un projet global de réforme sociale

Au 20e S., la concertation en urbanisme restituait essentiellement des expériences pour enrichir le point de vue des professionnels dans leurs démarches opérationnelles (voir par exemple les études et enquêtes sociologiques de Françoise Bouchanine). Les sondages d'opinion, les assemblées de quartier et les audiences publiques se résumaient souvent à des rituels symboliques, sans réelle influence sur le projet. Les citoyens étaient de simples bénéficiaires.  
Sur le plan opérationnel, la profession d'urbaniste s'est organisée sur la constitution de groupes pluridisciplinaires engagés sur l'urbain. La planification suivait la procédure suivante : 1) la formulation d'un ensemble de valeurs générales exprimées en termes de buts et d'objectifs généraux à atteindre ; 2) l'établissement d'un portrait de la situation par la collecte et l'analyse des données (qualitatives et quantitatives) ; 3) l'inventaire et l'analyse de toutes les options pour atteindre les buts et les objectifs; 4) la prévision, l'évaluation et la comparaison de toutes les options ; 5) la sélection de la meilleure option pour l'atteinte des buts et des objectifs. Cette approche se veut rationnelle et globale, en ce sens qu'elle vise à retenir la meilleure option (one best way) et l'exhaustivité, en considérant toutes les options et leurs conséquences. (Cf. Friedmann J., planning in the public domain. From knowledge to action, Princeton, Princeton University Press, 1987.)
Les études urbaines sont alors fortement marquées par un certain militantisme et un engagement des chercheurs en faveur des « communautés ». L'enjeu est de répondre à la crise urbaine et aux besoins sociaux. 

Par la suite, les urbanistes commencent à reconnaître eux-mêmes les limites du modèle de la planification rationnelle globale et cherchent de nouvelles voies pour intégrer les préoccupations des citoyens dans leurs pratiques. 
Aujourd’hui, un intérêt particulier est porté aux approches collaboratives de la planification et de l'urbanisme, fortement inspirées des courants communicationnels et délibératifs, et aux débats qui ont accompagné leur diffusion. Il s'agit avant tout d'accroître la capacité des citoyens à jouer un rôle actif dans les démocraties modernes.
 

Urbanisme durable et la naissance d'une nouvelle forme de gouvernance urbaine

Le concept de développement urbain durable offre une opportunité de renouvellement des pratiques participatives en matière d'urbanisme, en ce sens que le concept de durabilité pourrait devenir un cadre permettant de dépasser les intérêts particuliers, pour adopter une perspective inclusive et globale. La mobilisation sur le développement durable renvoie à un nouveau rapport à la nature qui remet en question la conception moderne hygiéniste de la ville. L'enjeu ne serait plus alors la rationalisation de l'espace urbain, mais un développement qui cherche à intégrer les impératifs sociaux, économiques et environnementaux sur le long terme.
S'éloignant des réponses standardisées et sectorielles de l'urbanisme postmoderniste, l'urbanisme durable propose des approches interactionnistes, valorisant la complexité, les identités et les différentes formes de mobilité, où les savoirs d'usage appartiennent à tous les citadins. La ville devient alors un écosystème où le tout est bien plus que ses parties. Elle est étudiée comme un ensemble où tous les secteurs interagissent ensemble (habitat, activités, mobilité, environnement, métabolisme).
Un consensus émerge sur la nécessité d'intégrer les individus dans les projets d'aménagement et sur cette transformation dans la représentation du citoyen-habitant-usager et dans le rôle de l'individu comme « partie prenante » du territoire (et plus seulement, comme bénéficiaire ou consommateur passif). 

La transformation des modalités de gestion des territoires, analysée comme le passage du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine, amène la multiplication des échelles de projets, des acteurs et des formes de partenariat privé/public. Les urbanistes sont amenés à travailler dans des contextes institutionnels de plus en plus fragmentés, pour des publics diversifiés dont les identités ou intérêts spécifiques tendent à s'affirmer.  Dans ce contexte, la participation publique est aussi envisagée comme un instrument de mise en œuvre du développement urbain durable.

 
La participation collaborative : partenariat, délégation de pouvoir et contrôle par les citoyens.

Les approches collaboratives se conçoivent avant tout comme un processus collectif d'apprentissage continu basé sur l'interaction entre les acteurs par le biais de structures de concertation, de partenariat public-privé et des systèmes de gouvernance territoriale. Elles mettent en avant l'idéal d'un intérêt général négocié, le succès de la planification consistant en l'atteinte d'un accord, d'une entente ou d'un consensus.
 
Les urbanistes doivent acquérir de nouvelles compétences. Ils agissent dans un contexte de collaboration avec une multitude d’acteurs, accomplissent des tâches complexes et diversifiées axées sur la facilitation, la négociation et la médiation. Ils ont également la responsabilité d'informer les acteurs du processus et des enjeux, d'aider à structurer les débats et de s'assurer que tous les acteurs sont représentés adéquatement et équitablement. Pour ce faire, ils doivent posséder des aptitudes à la communication, faire appel à diverses formes de connaissances, avoir le souci de l'équité et de la justice sociale, et posséder des valeurs orientées vers l'intérêt général et la réflexivité.
L’approche se présente comme une démarche innovante s’appuyant sur l’interdisciplinarité, la collaboration et l’action partagée, qui peut être utilisée à plusieurs fins : définir des visions d’avenir pour une ville ou une région ; établir des stratégies de revitalisation urbaine; élaborer des stratégies de développement durable; trouver des solutions aux problèmes de déplacements urbains ; élaborer des propositions de renouvellement urbain ; élaborer de grands projets urbains et d’autres projets de développement et d’aménagement. Les approches d’urbanisme collaboratif postulent une société civile relativement organisée, homogène et à la recherche du consensus. Ils sous-estiment la complexité et les conflits qui la traversent, ce qui peut conduire, dans certains cas, à marginaliser plutôt qu’à inclure les groupes et les individus les plus dominés.
 

L'échelle du quartier 

Plusieurs études notent que l’approche collaborative tend à se développer avec succès à l’échelle des quartiers (Cloutier G., Méthé-Myrand L., Sénécal G., « La revitalisation urbaine intégrée et la plus-value de l’approche montréalaise », Canadian Journal of Urban Research, 19 (1), 2010, pp. 23-49.).
L'information sur les aménagements urbains est plus aisée avec un territoire restreint. Les mini-ateliers locaux peuvent se dérouler avec des groupes représentatifs et en petit comité. La participation y est mobilisée tant pour reconstruire du lien social que pour engager les habitants à prendre en charge la gestion de leurs quartiers. Il s'agit d'une gouvernance « ascendante » (Bottom-up)
À ce propos, la participation dans l’urbanisme s’affronte à des enjeux majeurs en termes d’inégalités sociales et spatiales et de durabilité quand, par exemple, est posée la question du devenir des quartiers informels. Elle interroge à nouveau le rôle des professionnels. La participation qui concourt à fabriquer la parole des habitants est alors souvent niée. Les villes du Sud ont un rôle majeur à jouer pour reconnaître cet urbanisme informel "de la débrouille" et pour la transition vers une meilleure organisation urbaine. (Voir transformation d'un bidonville en écoquartier : le cas de Jnane Aztoute).
 

L'importance du projet collaboratif

Le projet collaboratif est celui qui nécessite des partenariats et une implication directe des citoyens.  On leur demande de "mettre la main à la pâte". Ce type de projet ne peut voir le jour sans une adhésion des habitants concernés. 
Le projet collaboratif peut prendre plusieurs formes : organisation de sites pour l'approvisionnement alimentaire en circuit court, marché hebdomadaire, braderie, activités entre voisins, mais aussi ruelle verte, aménagement et entretien de l'aire de jeux du quartier, organisation des parkings, plantation d'arbres d'alignement, organisation du ramassage et tri des ordures ménagères, etc.
Les projets collaboratifs doivent être régis par l'administration communale pour acquérir un statut et donc une pérennité. Ils permettent également de renforcer l'action citoyenne à travers ses associations.
 
Tous ces procédés misent sur la capacité et les compétences citoyennes pour permettre d'exploiter l'intelligence collective sur les questions du cadre de vie urbain.
L'échange discursif entre les citoyens doit permettre de faire partager des conceptions du bien commun différentes et de faire ainsi entrer en jeu le pluralisme inhérent aux sociétés contemporaines. Aussi, l’échange d’arguments raisonnés et capables de convaincre les autres est censé apporter un gain de rationalité à la prise de décision finale.

Pour aller plus loin : 
http://www.universites-architecture.org/lurbanisme-collaboratif-nest-option-necessite/
https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2008-2-page-131.htm
http://www.unlimitedcities.org/pdf/GIS_Participation_NancyO.pdf

comment former les citoyens de demain le projet Casamantes

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