Transformer un bidonville en écoquartier : le cas de Jnane Aztout

De la marginalisation à la réhabilitation, le bidonville de Jnane Aztout s'est transformé de 2006 à 2013 pour devenir un quartier où il fait bon vivre.
A l'origine, le bidonville avec vue sur les salines.

Contexte

Perchés sur une colline dominant la zone humide de la ville de Larache où serpente le légendaire dragon de la mythologie de Pline, les habitants de Jnane Aztout ont élu domicile sur un site en partie à cheval sur le cimetière de la doyenne de la ville  « Lalla Mennana ».  C'est un bidonville des années quarante qui à l’instar de ses homologues de l’époque -jnane kriouar, jnane el messari- est situé dans le centre-ville de Larache à proximité de l'ancienne médina. 
D'ailleurs, la structure urbaine de Jnane Aztout présente des similitudes. C’est un bidonville avec de petites ruelles en pente qui rappelle étrangement l’urbanisme de la médina. En 1989, il sera entouré par une enceinte, une « muraille ».  Si l’objectif initial de cet écran était de cacher la misère, par la suite il a consolidé le sentiment d’appartenance et a permis de renforcer la cohésion sociale entre les habitants.  
Une association de quartier, la Widadiyat voit le jour en 2004. Sa population est composée de 91 familles, soit environ 400 habitants. L’ancrage des habitants dans le tissu urbain, social et économique de la ville est très fort.  Ils étaient donc opposés à un recasement vers les quartiers périphériques.
Compte tenu de ces caractères particuliers, le quartier Jnane Aztout méritait de bénéficier d’une intervention singulière nécessitant un effort collectif et une vision généreuse pour sa restructuration. 

Notre intervention. 

En 2005, Esteban de Manuel, professeur d'architecture à l'Université de Séville, cherche comme sujet d'études pour ses étudiants un bidonville à Larache. D'abord, intéressé par Guadaloupé en cours de restructuration par notre agence pour le compte de Omrane, nous l'avons dirigé vers Jnane Aztout qui nous semblait réunir les conditions parfaites pour devenir un projet exemplaire : une association active, un sentiment d'appartenance au quartier et de la solidarité entre les familles.   
Durant l'été 2006, les étudiants en architecture et en sociologie ont démarré des ateliers de sensibilisation : dessin, peinture, match de foot. Ils étaient logés dans les familles et partageaient leur repas. Ils ont aussi fait un relevé sociologique remarquable de la composition de chaque famille et de la superficie de chaque parcelle existante. 
Dans le cadre du programme « ville sans bidonvilles », nous avons encouragé les représentants de la délégation de l'habitat et de Al Omrane Al Boughaz à accepter une solution de restructuration pour ce quartier. 
Lors d'un déplacement à Séville, en 2006, un partenariat a été signé entre l’université de Séville, l'association Widadiyat et la délégation de l'Habitat. 
Chaque partie s'engageait à laisser la population sur place, de préserver les caractéristiques de l’urbanisme existant, sa topographie et le plus possible la situation et la forme des parcelles, de mettre à la disposition de chaque famille une superficie à bâtir en fonction de ses besoins et du nombre de membres de la famille, renforcer les petits espaces publics existants entre les baraques avec la création d’espaces verts, de placette, d’endroits où les habitants pourraient se retrouver, intégrer à cette urbanisation quelques équipements sociaux tels que la maison du quartier, un magasin, et un petit centre social.  

Le programme défini, nous pouvions démarré le Master-plan du quartier. 
Une voie intérieure carrossables est aménagée et restructurée dans la partie basse.  Les lots inoccupés ont permis le déplacement des baraques situées sur le cimetière.  Les chemins piétons sont tracés et renforcés par des murs de soutènement. Le quartier très en pente sera accessible par de nombreux escaliers.  Le dénivelé de 3 à 4 mètres par ruelle permet aux lots supérieurs de bénéficier de la vue au premier étage en passant sur la construction inférieure également à 2 niveaux. C’est pour cette raison que tous les lots seront construits en R+1.  Des demi-niveaux seront admis à l’intérieur d’un même lot.  Chaque famille bénéficie d'une parcelle équivalente en superficie avec la baraque occupée mais plus régulière.
En 2007- 2008, Al Omrane réalise l’assainissement et le revêtement de la voie carrossable. Les habitants à travers l’association sont devenus véritablement maître de l’exécution de cette opération. La solidarité et l'appropriation du projet a permis de surmonter les difficultés du foncier, la démolition des baraques et le manque d’argent pour l'auto-construction. Les familles se sont entraidées et ont accueillis ceux qui construisaient au fur et à mesure de l'avancement des travaux, une véritable opération tiroirs en interne.  
Les différents partenaires, et surtout l'Université de Séville sont restés impliqués dans ce processus pour faire d’autres montages de projets ponctuels et lever les fonds nécessaires aux aménagements des espaces publics et à la construction de la maison communautaire. 
Les maisons en cours de constructions

Aujourd'hui, le quartier bénéficie d'un commerce de proximité, d'une garderie, d'un parking et d'un petit espaces verts. La maison communautaire est devenue le centre animé pour les réunions du quartier. 
En 2017, dans le cadre de la 11e édition du prix international de Dubaï pour les meilleures pratiques visant à améliorer le cadre de vie, le projet remporte le premier prix sur un total de 524 projets représentant 89 pays.


Pour aller plus loin : 

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