Urbain ou rural ? définir l'espace de la ville

Les chiffres se succèdent et sont parfois légèrement différents : 55% de la population mondiale est urbaine, dont 70% de la population européenne et 60 à 65% de la population marocaine. Mais qu'est-ce qu'une ville ? Au-delà de la problématique de l'établissement humain avec ses conséquences sur les ressources, les émissions de GES et la pollution de manière générale, n'y a-t-il pas une définition de la ville ? Qu'est-ce qui fait qu'un établissement humain est une ville ? 
Avant de parler de durabilité, cette réflexion envisage d'abord le concept de la VILLE. Les statisticiens la définissent à partir d'une mesure quantitative et de division du territoire. Dans son dictionnaire de l'urbanisme, Pierre Merlin et Françoise Choay indiquent que trois conditions sont indispensables pour qu'un établissement humain constitue une ville : une agglomération de constructions, une communauté d'habitants et des activités. Cependant, une agglomération qui s'étend le long d'une route peut atteindre ce minimum de population sans avoir aucune caractéristique urbaine. 

Quartier Takadoum à Rabat

Bâtir une ville est donc bien autre chose qu'agglomérer des bâtiments

La taille de la ville n’est donc qu’un critère, et ce n’est pas le plus déterminant. On a du mal d’ailleurs à déterminer la taille d’une ville, parce que souvent on ne sait pas ce qu’est une ville : intra-muros ? Agglomération ? Aire urbaine ? Les chiffres sont alors très différents.
La ville, c’est d’abord l’Histoire, la mémoire collective, mais aussi la vie de ses habitants, les interrelations en train de se faire. 
Mais ce sont aussi des enjeux. Peut-être l’urbanisme est-il le domaine où les enjeux apparaissent le plus clairement : possession ou non du foncier, exploitation des ressources environnementales, situation des activités productrices, centres urbains occupés par le tertiaire, phénomène de gentrification, périphéries dispersées et désagrégées, etc. 
Toutes les définitions les plus élaborées de la ville ne feront pas trouver la clé de la fabrication d’une « bonne » ville, d’une « vraie » ville, d’une ville « humaine et animée » aussi longtemps que l’on cultivera l’illusion officielle d’une planification qui n’obéirait qu’à la rationalité des intérêts communs, alors qu’elle est le lieu d’un des affrontements les plus sévères de notre temps.
  
San Francisco

Dans notre imaginaire, la ville est souvent devenue l’image de la métropole, ces villes mondiales de plus de 10 millions d’habitants. Ce sont les cités les plus dynamiques culturellement et économiquement : Tokyo, New York, Londres, Paris, Shanghai … Elles sont connectées entre elles et forment le réseau des villes globales qui participent à l’urbanisation du monde. Actuellement, dans le monde, il existe 50 mégalopoles de plus de 10 millions d’habitants. Cette globalisation entraine un mode de développement économique basé sur les échanges et sur la spécialisation. 
Mais, en réalité, le paysage urbain mondial est très varié.  
D’une part, le 21e siècle verra surtout les villes africaines en voie de développement se développer et croitre. L’urbanisation est alors synonyme de déficit en services urbains, de quartiers précaires, et de logements insalubres.   
D’autre part, l’essentiel des urbains se trouve dans des villes de moins d’un million d’habitants. Ces villes connaissent un manque d’attractivité, d’activités économiques et culturelles. 
Alors quand on parle d'urbain, de qui parle-t-on ? de quel territoire ? et de quelles villes ? et surtout les synergies à mettre en place seront forcément différentes du Nord au Sud.  L'Afrique devra répondre aux besoins les plus élémentaires de sa population tout en innovant. De nombreuses solutions aux problèmes de durabilité pourraient être trouvées au niveau du secteur de l'informel qui sait répondre aux besoins les plus élémentaires (commerce de proximité, ramassage et tri des ordures, potagers urbains et agriculture en périphérie). Derrière le concept d'informel, il y a des structures frugales et pleines de bon sens. 

"Prenons, par exemple, le concept d’informalité. On a pour habitude de classer dans cette catégorie tout ce qui n’est pas géré par l’Etat central. Mais derrière cette notion, il y a des structurations sociales qui sont extrêmement précises et intelligentes. Cela est sans doute bien en avance sur l’efficacité des systèmes qu’on pourrait avoir au Nord" Jérôme Chenal, spécialiste en urbanisme en Afrique subsaharienne et professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).

Chaque ville, chaque communauté doit trouver ses propres pistes. Pourquoi ne pas partir de l'action "d'habiter" pour faire la ville durable. Apprendre à regarder autrement et à reconnaitre les opportunités de chaque territoire pour favoriser l'intégration sociale, améliorer la biodiversité et enclencher la transition énergétique. Le point commun pour chaque ville est l'urgence de renforcer ses capacités et celles de ses habitants à faire face aux conséquences du réchauffement climatique.
 
marchands ambulants qui approvisionnent un bidonville.  

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