Transport collectif, la gratuité comme argument pour réussir la transition écologique.

La gratuité signifie que tous les usagers n’ont plus à payer de titre de transport pour emprunter le réseau de bus, métro, tramway, train de banlieue, etc.
Le 1er mars 2020, le Luxembourg est le premier pays à passer à la gratuité des transports publics.  Cette expérience a déjà été tentée dans plusieurs villes moyennes, Hasselt en Belgique, Aubagne, Compiègne et Dunkerque en France, Tallinn en Estonie, mais souvent avec des intérêts politiques liées aux élections locales. À Tallinn, par exemple la gratuité qui concerne les résidents, a incité de nombreux habitants à revenir en ville et donc à augmenter sensiblement les revenus fiscaux locaux. 

 

Dans le cadre d'un pays, le passage à la gratuité repositionne le transport collectif comme service public, à l'instar de l'éducation ou de la santé.  
"Il y a trois niveaux de gratuité. Il y a ce qu’on pourrait appeler effectivement les gratuités élémentaires : le don de la vie, la transmission du langage et de la culture, la beauté des paysages... Il y a un deuxième niveau, c’est ce qu’on pourrait appeler les gratuités coopératives : l’entraide dans la famille, entre voisins, les boîtes à livres, les espaces de gratuité... Et puis il y a un troisième niveau, ... celui de ces gratuités construites politiquement et qui concernent le service public...   c’est une conception de la société. C'est une façon de miser sur l’intelligence collective." (Henri Briche, docteur en science politique)

Plusieurs raisons peuvent être évoquées plaidant en faveur de la gratuité du transport public. 

D'abord, un système de transport gratuit est plus rentable. Avec l'augmentation de la fréquentation, le coût par usager diminue. On peut espérer également un nombre de voitures individuelles qui diminue et  donc moins d'embouteillages ainsi que moins de pollution de l'air. 
A Genève, le réseau de transport public comporte des lignes de bateaux sur le lac Léman. 

Ensuite, la mobilité est source d'inégalité. La gratuité devient un choix de société, une redistribution que permet la fiscalité vers les plus nécessiteux. Cependant, l'équité sociale doit être renforcée par la gratuité totale pour tout le monde. En effet, la tarification sociale en détourne l'objectif vers la condescendance, avec des effets pervers. Ceux qui en bénéficie ont toujours l'impression d'être marginalisés.   

Enfin, un accès facilité vers le(s) centre(s) urbain(s), plus rapide, permet de dynamiser le commerce et les activités. 
La gratuité pour tous agit comme un renforcement positif qui pourra entraîner une modification des comportements vers la transition écologique et une mobilité durable. Le droit à l'éducation, le droit à la santé sont des piliers de nos démocraties. Le droit à la mobilité pourrait le devenir. 
  
La question du prix et du coût est souvent très mal posée par les détracteurs de la gratuité. Les transports publics sont déjà fortement subventionnés. Si on compare les revenus de la billetterie, qui représente moins de 10% du coût des transports publics (source observatoire du transport gratuit), à ceux des infrastructures routières, des embouteillages, de la pollution de l'air, et de la santé, on s'apercevra qu'il est probablement plus intéressant financièrement pour la collectivité de faire le choix de la gratuité.
Une étude publiée en 2008 par l’Université technologique de Dresde a recensé les coûts engendrés par l’utilisation de l’automobile et non couverts par les dépenses des automobilistes eux-mêmes. Ces coûts, supportés par la société dans son ensemble, sont induits principalement par les accidents de la route, la pollution atmosphérique et le bruit générés par la circulation automobile. Au Luxembourg, en 2008, les coûts externes de l’automobile s’élevaient à près de 1.800 € par an et par habitant.

Source : Coûts externes de l’automobile, Aperçu des estimations existantes dans l’Union européenne à 27, Technische Universität Dresden, Département des sciences des transports « Friedrich List », Institut de la planification des transports et du trafic routier

 
Mais la gratuité ne doit devenir qu'une mesure incitatrice parmi d'autres. Il sera toujours indispensable de renforcer l'efficacité, la fréquence, la multimodalité et le confort du transport urbain dans le cadre d'une stratégie plus globale. "Gratuit" ne doit pas signifier non performant. 
La mobilité durable passera probablement par le transport collectif gratuit, le droit à la mobilité. Cette gratuité recouvre les objectifs du développement durable : sociaux, environnementaux et économiques.

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